Point d'interrogation

Vous pouvez répéter la question ?

Vous pouvez répéter la question ?

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. […] Avant donc que d’écrire apprenez à penser » (*).

Très souvent dans nos vies professionnelles, nous sommes interpellés par des problématiques formulées de façon alambiquée, confuse, tarabiscotée, biscornue.

Nous avons ainsi une fâcheuse tendance, pour énoncer un problème, à vouloir y incorporer déjà une partie de (ce que nous croyons être) la solution. À mélanger plusieurs questions différentes. À confondre la question et les enjeux, le problème et le contexte, le diagnostic et les causes, l’interrogation et les contraintes.

Il en découle une expression pas simple du problème posé.

Or, bien souvent, les solutions peuvent être complexes, puisque l’entreprise elle-même est un système d’interactions complexes entre tous les éléments qui la composent.

Inutile, donc, de complexifier la formulation de la question !

En médecine, on dit souvent que poser le bon diagnostic est déjà à mi-chemin de la guérison. Dans les affaires, poser simplement les bonnes questions est déjà à mi-chemin des solutions.

Simplifier ne veut pas dire être simpliste. Cela signifie (simplement) aller à l’essentiel, sans déni ni préjugé.

Simplexifier la question, ça sert à sérier lucidement les problèmes, mettre en place un plan d’action avec méthode, et finalement mieux résoudre les problèmes.

En résumé : c’est les réponses (et leur mise en œuvre) qui est complexe, pas la question !

Sic transit mundi.

* Nicolas Boileau, Art poétique, Chant I, v. 147 ss.

Maillot jaune

Maillot jaune

Autrefois, il n’était pas toujours bon d’être le pionnier. Vous essuyiez les plâtres, la R&D ne débouchait pas toujours, le marché n’était pas toujours prêt… Et les suiveurs profitaient avec succès de vos expérimentations.

Aujourd’hui, on dit que the winner takes all, qu’il n’y a plus de place pour les suiveurs.

C’est souvent vrai, et les exemples sont nombreux.

Cependant, même si l’on n’est pas en position de leader, il y a une belle piste à suivre.

Celle-ci consiste à rechercher, construire et proposer une offre innovante s’adressant à un marché ciblé. Dans ce cas, une toute petite innovation fait souvent la différence, la « moindre des choses », le « petit plus » qui apporte un service spécifique, qui apporte de la valeur au client et pour laquelle il est prêt à payer.

Dans son entreprise, mieux vaut être le premier sur un segment spécifique du marché, que le suiveur du grand espace concurrentiel dans lequel tous les acteurs économiques se battent, l’océan rouge dans lequel s’entretuent les requins.

En d’autres termes, si le maillot jaune gagne la course, le maillot vert, le maillot à pois rouges, ou le maillot blanc, gagnent sur leurs compétences particulières, de meilleur sprinter, meilleur grimpeur, ou meilleur jeune coureur.

Sic transit mundi.

L’entreprise ambidextre

L’entreprise ambidextre

Dextérité : adresse de la main dans l'exécution de quelque chose ; adresse d'esprit, ingéniosité dans l'accomplissement d'une action ; habileté.

Ambidextérité : Capacité d'utiliser l'une ou l'autre main, selon le geste considéré.

Les entreprises doivent aujourd’hui à la fois être ultra-compétitives dans leur cœur de métier, et être créatives et innovantes pour leur(s) métier(s) de demain.

Et ces entreprises doivent être ambidextres, c’est-à-dire manier avec habileté ces deux fronts en même temps (de front, si j’ose dire).

Les deux volets, Exploitation et Exploration, ne s’opposent pas ; ils sont nécessaires tous les deux. Mais ils requièrent, de la part du chef d’entreprise et de ses équipes, des qualités et des modes d’organisation difficiles à concilier.

L’apparente contradiction n’est pas si facile à résoudre. La concurrence pousse à réduire les coûts et rechercher l’efficacité à tout prix. Par ailleurs, l’accélération des changements doit conduire à renforcer la création de valeur par l’innovation.

L’Exploration s’attache à des objectifs à long-terme, avec une organisation agile et décentralisée, une culture de l’autonomie et du risque entrepreneurial. L’Exploitation s’attache à des objectifs à court-terme, avec une organisation centralisée et des processus standardisés, une culture de la règle, de l’optimisation et de la discipline.

L’entreprise qui réussit, traverse des obstacles pour innover. En reproduisant ses habitudes, procédures et méthodes, elle reproduit le passé sans interroger sa pertinence pour demain…

L’entreprise polarisée sur l’innovation, traverse des obstacles pour être compétitive. En se focalisant sur les seules idées, les concepts et les outils technologiques, elle oublie de construire un business-model pérenne et de maîtriser la croissance de ses nouvelles activités.

Compétitivité et Innovation, Exploitation et Exploration : l’avenir appartient aux ambidextres.

Sic transit mundi.

Aux grands mots les petits moyens

Aux grands mots les petits moyens

Serais-je prude ? En effet, j’ai la phobie des grands mots.

Et mes oreilles sont continuellement agressées. J’entends ici éructer sur la disruption. Bavasser sur la différence entre innovation de rupture et innovation incrémentale. Là, c’est d’holacratie ou de lean qu’on se gargarise. Ailleurs, on jargonne sur l’inbound marketing…

Il me semble que l’ivresse des mots nous gagne, mais nous n’avons plus l’esprit clair.

Et je constate que le sens concret de tous ces grands mots a été perdu. N’oublie-t-on pas que la disruption est simplement une rupture, ou que derrière « innovation » se cache un petit mot bien plus signifiant, le mot « nouveau ».

Quant à moi, je préfère parler simple et clair. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » disait Boileau. Un problème énoncé avec des mots simples se résout concrètement bien plus efficacement.

Deux petits exemples d’énoncés sans jargon :

  • Quel produit ou quel service répondrait à l’évolution des besoins de mon client ?
  • N’y a-t-il pas une manière plus efficace de travailler ?

Grâce à des formulations simples, il ne nous reste alors plus qu’à nous mettre au travail, à la mise en œuvre de solutions avec du bon sens.

Le monde est déjà suffisamment complexe sans rajouter une couche de grands mots !

Sic transit mundi.

Achille et Ulysse

 

Achille et Ulysse

La sémantique guerrière est couramment utilisée dans le monde de l’entreprise.

Guerre économique, bagarre concurrentielle, rapport de force avec les clients, conquête de nouveaux marchés, stratégie offensive… Sun Tzu et Clausewitz ont été mis à toutes les sauces, du marketing au commercial, du management aux achats, de la finance à l’innovation.

Mais, à la fin, qui gagne ?

Achille, c’est la force. Si le valeureux Achille tue Hector, il mourra sous les murailles de Troie, atteint au talon par une flèche lancée par Pâris, guidé par Apollon.

Ulysse, c’est la ruse. Il met fin aux dix années de guerre de Troie avec son cheval géant de bois, dans lequel il s’est caché avec son escouade. Toujours grâce à son intelligence, il déjoue les entourloupes des sirènes séductrices, de Polyphème le cyclope, de Circé la magicienne…

Qui gagne, le renard Ulysse, ou le lion Achille ?

Face à la force, l’entreprise qui gagne, c’est la plus rusée. Mieux vaut être malin et débrouillard, habile et imaginatif, astucieux et inventif, que d’affronter brutalement et frontalement l’adversaire.

Parce que celui qui rentre chez lui après la guerre, ce n’est pas le fort Achille, c’est le rusé Ulysse.

Sic transit mundi.

Doubler le cap

 

Doubler le cap

Capitaine d’un navire, capitaine d’une équipe : les métaphores navales ou sportives sont souvent employées pour le chef d’entreprise. L’analogie se révèle plutôt bien fondée et pertinente.

Dans Star Trek, le capitaine Kirk emmène l’équipage du vaisseau Enterprise vers de nouveaux horizons. Un bel objectif pour toute entreprise, l’accroche de la série TV : « Espace, frontière de l'infini vers laquelle voyage notre vaisseau. Sa mission : explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et au mépris du danger, avancer vers l’inconnu ».

Chef, capitaine : même étymologie, du latin caput, la tête. Le chef désigne une personne qui commande, qui exerce une autorité, une influence déterminante, ou une personne qui détient le pouvoir de décision dans un groupe, un leader (Larousse).

À la tête de son équipe de football, le capitaine guide et mobilise ses coéquipiers. Avec l’appui de l’entraîneur.

À la tête de son navire, le capitaine fixe le cap, répartit les ressources, contourne les récifs et affronte les tempêtes. Avec l’appui d’informations sur le cap, la météo, sa position.

Traditionnellement, le leadership du chef d’entreprise représente l’influence exercée sur ses équipes. Ce qui suppose des compétences personnelles et professionnelles lui permettant d’être écouté et suivi par ses collaborateurs.

Le leadership nouveau insiste sur les capacités à insuffler une dynamique sur ses équipes. Le nouveau leader cherche davantage à mobiliser, écouter et encourager ses collaborateurs. Il vise à développer l’intelligence collective dans l’entreprise.

Pour naviguer dans le contexte économique moderne, le « capitaine » d’aujourd’hui sait qu’il doit explorer de nouvelles solutions. Pour cela, il s’entraîne, avec son équipe, à plus de souplesse et d’agilité.

Diriger, c’est sportif. S’entraîner est un des mots-clefs du succès. Imagine-t-on un skipper, un footballeur, qui ne se soit pas durement et longuement entraîné ?

S’entraîner, c’est progresser, performer. Terminer la course ou le match… Et le gagner.

Les capitaines, chefs d’entreprise et cadres, managers et coordonnateurs de projets, ont tous un intérêt à pratiquer cet entraînement régulier.

« Nous aimons tous gagner, mais combien aiment s'entraîner ? » (Mark Spitz, nageur américain, neuf fois champion olympique)

Sic transit mundi.

Votre entreprise n’a pas besoin d’une stratégie digitale !

 

Votre entreprise n’a pas besoin

d’une stratégie digitale !

Tout le monde n’a qu’un mot à la bouche : la transformation digitale. Mais en oubliant un élément essentiel ! Dans la formule « transformation digitale », le mot « digital » n’est pas le mot principal. C’est « transformation » qui est le mot principal.

On peut jaser tant qu’on voudra sur l’intelligence artificielle, les robots, la publicité programmatique, la fabrication additive ou la blockchain. La technologie seule n’apporte pas de valeur à un business.

Créer de la valeur avec les nouvelles technologies, c’est tout simplement mener ses activités autrement (en se servant de la technologie comme outil).

L’e-commerce, ce n’est pas internet, c’est juste vendre différemment. L’analyse comportementale de lecture d’un journal, ce n’est pas du deep-learning et du data-lake, c’est juste apporter l’information pertinente, au bon moment, sur le bon canal, sous la bonne forme, au bon lecteur. La maintenance prédictive, ce n’est pas mettre des capteurs partout, c’est juste optimiser ses coûts.

Affirmer que sa stratégie est fondée sur le digital, transmet un mauvais message, qui met l’accent sur la technologie, et non sur la création de valeur autour de la transformation.

Les évolutions scientifiques et techniques sont affaire de scientifiques et de techniciens. Mais qui imagine laisser son informatique entre les seules mains des informaticiens ? Laisser ses données entre les seules mains des data-scientists ? Laisser ses clients entre les seules mains des commerciaux ?

Vous n’avez pas besoin d’une stratégie digitale. Vous avez besoin d’une stratégie de transformation (laquelle sera permise par le digital).

Le digital est un moyen, et – surtout – pas un objectif en soi. La vraie démarche consiste à utiliser la bonne technologie pour le bon usage.

Celui qui compte, c’est celui qui paie, donc le client. La seule stratégie à mener est celle qui consiste à lui proposer mieux ou autrement, en se servant avec intelligence et avec discernement des nouveaux outils.

Sic transit mundi.

Voyages extraordinaires

 

Voyages extraordinaires

Voici le court récit d’un voyage extraordinaire, en un pays qui ne l’est pas moins. Dépaysement garanti, valant bien les histoires de notre Jules Verne.

C’est un territoire bien sympathique, peuplé d’irréductibles habitants qui résistent encore et toujours à l’envahisseur (numérique).

L’agent de voyage m’avait averti. En Akinézie, 87 % des chefs d’entreprise (de PME et ETI) n’affichent pas la transformation numérique comme une priorité.

Mais comme ces rues pavées, ces vieilles maisons chargées d’histoire, sont charmantes, on se prête à l’idée que rien n’a bougé depuis des lustres. Le chauffeur de taxi est bavard, il me confirme que 47 % des dirigeants d’entreprise estiment que l'impact de la révolution digitale ne sera pas majeur sur leur activité d'ici 5 ans.

Dans quel endroit singulier suis-je donc tombé pour mes vacances !

Encore surpris, je me renseigne auprès du réceptionniste de l’hôtel. Me tendant la clef, il m’assure que 20 % des chefs d’entreprise considèrent que le temps de la transformation digitale n'est pas venu pour eux. Le guide de voyage (Bpifrance) déclare d’ailleurs à ce sujet « qu’une entreprise sur cinq est donc condamnée à disparaître si elle ne fait rien d'ici trois ans ».

Le premier soir, attablé devant un merveilleux repas (qu’est-ce qu’on mange bien dans ce pays), je médite devant une mention, au bas du menu, qui a retenu mon attention : 88 % n’ont pas intégré le numérique dans un plan de formation dédié.

Allons donc, il doit bien y avoir ici des entreprises qui savent où elles vont ! Au petit matin, j’interroge ainsi le serveur, entre croissant et tartine beurrée (et confiture de fraise maison). Lequel me répond du tac au tac : même parmi ceux qui déclarent avoir une vision de la transformation numérique de leur entreprise, 63 % n’ont pas de feuille de route. On y va donc au petit bonheur la chance.

Il y a brocante au village aujourd’hui. Tout en farfouillant au hasard sur un stand de livres écornés, je susurre, à mi-voix, que les projets pourraient aussi être portés par les salariés. Mais le vendeur, apparemment très au fait, me répond que seuls 25 % des dirigeants associent leurs équipes opérationnelles à leurs projets de transformation.

Quelles peuvent donc être les causes de cette défiance de ces dirigeants à l’égard du digital ? J’en découvre les motifs dans la brochure touristique à l’accueil de l’hôtel. Par ordre décroissant : la complexité, le manque de compétences en interne, le coût, la résistance au changement en interne. Je ne peux m’empêcher de penser que si les causes sont identifiées, il est bien de la responsabilité de chaque chef d’entreprise d’y pallier, non ?

Au terme de cet exotique voyage en Akinézie, je me dis qu’Usbek, Candide et Ulysse n’ont pas fait pérégrinations plus étonnantes…

Sic transit mundi.

Temps de cerveau disponible

 

Temps de cerveau disponible

Pour paraphraser Charles, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « le robot, le robot, le robot ». Robotisation, digitalisation : pour en faire quoi ?

A supposer qu’on en ait besoin (ce qui n’est pas toujours le cas), prenons comme exemple une entreprise qui se transforme, automatise ses process, ou acquiert une machine plus productive. Les salariés dont les tâches sont remplacées par les robots sont licenciés ; l’entreprise se contente d’améliorer sa compétitivité en réduisant ses coûts.

Croyez-vous qu’elle sera la seule à investir dans un robot ? Ses concurrents agiront de même, et les clients sauront bien vite capter la valeur de l’économie générée.

Une amélioration de compétitivité basée sur le seul gain de productivité est nécessairement fugace et éphémère.

Mais la compétitivité, ce n’est pas seulement la productivité.

Examinons donc une autre entreprise, qui robotise ses process tout comme la première. Elle en profite non pas pour licencier mais pour redéployer ses collaborateurs autour de nouvelles missions, orientées vers l’amélioration des services au client, l’innovation, l’adaptation aux nouveaux usages du consommateur final, etc.

Résultat : elle se différenciera durablement de ses concurrents.

En d’autres termes, robotiser (et ses cousins : digitaliser, numériser, informatiser) est parfois nécessaire, mais certainement pas suffisant.

Le robot, l’intelligence artificielle, ne remplaceront pas les trois formes d’intelligence intrinsèquement humaine que sont l’intelligence créative, l’intelligence cognitive, et l’intelligence manuelle.

Lorsque le robot se substitue à des tâches automatisables, il laisse ainsi la place à du temps de cerveau disponible pour être créatif, astucieux, malin, empathique, inventif, compréhensif, perspicace, futé, subtil…

Encore faut-il savoir s’en servir !

Sic transit mundi.